vendredi 17 décembre 2010

Politique: Les Bafoussam étalent leur linge sale en public.


La tournée du gouverneur de la Région dans le chef lieu de cette circonscription administrative a révélé au grand jour les dissensions qui minent le milieu des élites fusseps.

« Je demande à chacun de ne pas s’agiter. Ne vous levez pas tant qu’on ne vous a pas demandé de vous lever, qui que vous soyez. Si c’était Biya qui était assis ici, je crois que personne ne se lèverait sans autorisation pour venir vers lui. » Cette saillie est de Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, gouverneur de la Région de l’Ouest. Ainsi parlait-il devant une foule assemblée devant l’hôtel de ville de Bafoussam où il clôturait sa tournée de prise de contact avec les populations. Les oreilles attentives ont perçu en ces propos du représentant de Paul Biya, une pique adressée à SM Djitack Ngompé Pélé, Roi des Fussep (appellation d’origine contrôlée des Bafoussam). C’est qu’à un moment des cérémonies, il s’est passé un incident. Le speaker venait d’appeler au micro le représentant des élites de ce village. Souop Victor, Secrétaire général de la Communauté urbaine de Bafoussam, fils du coin, s’est levé et s’est dirigé, discours à la main, vers l’outil de communication. Il faut dire qu’il était assis non loin d’Ivaha Diboua. C’est alors que, quittant sa place un peu en retrait dans la même tribune, Me Fotié avocat à Douala, s’est également avancé.  De son côté, Djitack Ngompé Pélé installé sous un parasol devant une tribune latérale à gauche du gouverneur, s’est également levé, a récupéré le document de Me Fotié dans l’intention manifeste de le remettre au gouverneur. Comme pour désavouer le SG. Très promptement, le sous préfet Boyomo de Bafoussam 1er, s’est levé pour intercepter le monarque. Il a pris le document avant de rentrer s’asseoir derrière son patron. Cet accroc au protocole administratif a donné l’occasion au Chef de terre de vider son sac, et de crever un abcès qui visiblement mûr à point. Il a ainsi appelé au respect de l’autorité établie. « Dans un village, l’autorité immédiate c’est le Chef de village : il faut le respecter. Dans une commune, l’autorité c’est le maire : il faut le respecter. Dans un arrondissement, c’est le Sous Préfet : il faut le respecter. Dans un Département, c’est le Préfet, il faut le respecter. Dans la Région, c’est le gouverneur : il faut le respecter. Vous devez respecter toutes ces autorités si vous voulez vous-même qu’on vous respecte en retour.» A martelé le Gouverneur. Toujours sur le plan politique, il a tenu à féliciter la cohabitation politique des différentes formations qui se déploient sur le terrain. « Les problèmes politiques sont les problèmes de tout le monde et les problèmes de tout le monde sont des problèmes politiques. Et comme on a coutume de le dire, si vous ne faites pas la politique, c’est la politique qui va vous faire. Participez au processus décisionnel, ne restez pas en marge du développement. » A-t-il exhorté.

Plaidoyer pour une administration citoyenne.

Retournant son fusil vers sa propre maison, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua particulièrement en verve, a fait feu sans discontinuer sur ses propres collaborateurs indélicats. « Le fonctionnaire ne constitue pas un poste de péage dans l’administration. Les frais exigibles pour être servi dans l’administration sont connus et doivent être respectés. Aucun sou de plus ne doit être exigé. Chaque fonctionnaire doit servir l’administration qui reste et partir. Personne n’a un titre foncier sur l’administration. Personne ne doit avoir une pensée d’éternité, car nous allons tous mourir. » A plaidé le gouverneur. Qui a également défendu une « administration citoyenne. » Propos d’autant plus sensés que, de sources sûres, le deuxième adjoint du Préfet de Bafoussam a justement institué un péage dans ses services où chaque promoteur d’association doit payer « une motivation » pour être servi. Evoquant la décentralisation, il a déclaré que cette politique n’est pas une fiction. Il alors prévenu les gestionnaires locaux de ce que « Epervier a commencé à prendre en haut, il va aussi prendre en bas. » Parlant d’économie, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua a stigmatisé ce qu’il a appelé « la rébellion » de certains opérateurs économiques. Il a ainsi dénoncé ceux d’entre eux qui, ailleurs payent les impôts allègrement, mais refusent de faire de même, une fois revenus à Bafoussam. Il a invité les populations à diversifier les activités économiques, et les élites à investir dans la Région. Parlant du social, il a félicité les autorités municipales et administratives pour la salubrité que connaît la cité. Demande a été faite aux populations d’éviter le choléra et le Sida. « Vous devez par ailleurs éviter le dénigrement des forces vives. Le Chef doit travailler pour que chacun se sente à l’aise et en sécurité. L’orgueil se ramasse dans tous les coins, mais l’humilité ne se vend pas en pharmacie. C’est pourtant elle seule qui grandit l’homme. » Encore une allusion à peine voilée aux guerres intestines qui, selon nos sources, minent le milieu des élites Fussep. Des divisions qui ont été étalées sur la place publique comme évoqué plus haut. Souop Victor, plus neutre, ayant selon nos informations, été choisi au pied levé par l’administration pour trancher entre deux camps antagonistes. Pour finir son propos, le gouverneur a parlé du volet sécuritaire, pour inciter les populations à collaborer avec les forces de l’ordre afin de barrer la route aux brigands. Notons qu’avant lui, le délégué du gouvernement (Dg) Emmanuel Nzété avait pris la parole pour lui souhaiter la bienvenue. Après avoir évoqué les travaux qui sont faits pour améliorer les conditions de vie des populations et lutter contre le désordre urbain, il a souligné que l’espoir renaît après une dizaine d’années de descente en enfer. Le Dg a recensé ses réalisations ainsi que les chantiers en cours. « Vous seul avez le pouvoir nécessaire pour accéder au gouvernement pour accélérer les réalisations » a-t-il lancé au gouverneur, évoquant les grands travaux structurants encore attendus. Pour sa part, Souop Victor a, entre autres, plaidé pour la transformation de Bafoussam en un véritable pôle économique moderne. Au palais royal, Djitack Ngompé Pélé et Samuel Dieudonné Ivaha Diboua ont certainement eu l’occasion de s’expliquer au cours de la visite de courtoisie que le deuxième a rendue au second, juste après la cérémonie…
Michel Mombio.

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