L’Etat veut lutter contre la dégradation du couvert végétal en y créant une réserve intégrale. Les paysans plaident pour une réserve écologique simple.
L’inquiétude se lit sur les visages des habitants des différents villages qui parsèment les hauteurs de cette partie du pays. Ils ont perdu le sommeil depuis que la nouvelle de leur renvoi de ce sol qui les nourrit a été rendue publique. « Nous sommes nés ici. Ont veut nous envoyer où ? Nos parents avaient déjà été déguerpis ailleurs avant de venir ici. » S’est plaint un enfant de ce terroir venu témoigner au nom des siens, lors de la séance de restitution organisée sur le sujet par Knowledge for All (Kfa) à Bafoussam. Tout est parti de l’avis public N° 0025/AP/MINFOF/SG/DFAP du 11 mars 2009 « Portant déclaration d’une partie des forêts des Monts Bamboutos Réserve écologique intégrale » signé du ministre des Forets et de la Faune. « Le ministre des forêts et de la faune porte à la connaissance du public qu’une partie des forêts des Monts Bamboutos, d’une superficie de 21 350 hectares sera transformée en réserve écologique intégrale. » Ecrivait Elvis Ngolle Ngolle. Ce qui suppose donc, une absence totale de présence humaine dans cette zone. D’où le problème. L’initiative gouvernementale de sauvegarder le couvert végétal est saluée par tous. Mais l’idée de déguerpissement ne passe pas. Aussi ont-ils adressé des requêtes et autres pétitions qui sont restées lettres mortes.
KFA la voix des sans voix
Cette zone est en effet le troisième plus haut sommet de la dorsale camerounaise, après le mont Cameroun et le mont Oku. Mais contrairement au deux premiers, cette partie est intensément exploitée. Les milliers de paysans de ce coin fortement enclavé qui couvre trois régions (Ouest, Sud ouest et Nord Ouest), cultivent force pomme de terre, choux, thym, carotte. Leurs produits alimentent les marchés aussi éloignés que ceux du Gabon. Ils élèvent également des moutons, des bœufs et des chèvres. Mais à côté de ces plantes maraichères, les autorités avaient introduit la sylviculture de l’eucalyptus. Cet arbre, qui leur sert aussi bien à produire le bois de chauffe que de construction, est vorace en eau. Elle rapporte de substantiels revenus à certains d’entre eux. « Il y a des gens ici qui vendent du bois pour 2 000 000 F par an. L’eucalyptus est plus qu’une maison construite en ville dont on perçoit le loyer par mois. Pour un arbre abattu, quatre nouveaux troncs ou plus repoussent sur la souche ! » Témoigne Dupleix, un cultivateur de pommes de M’muock Aghong, un village situé au sommet, au carrefour de l’Ouest et du Sud Ouest. Planté jusque dans les bas fonds, cet arbre a contribué à la raréfaction de l’eau. Et la ville de Mbouda en sait quelque chose, elle qui passe des jours sans eau, car elle dépend de ces hauteurs pour son approvisionnement. Sur place, les planteurs posent des tuyaux pour capter l’eau en hauteur afin d’arroser leurs plantes en contre bas. Ce qui crée des tensions entre les paysans. « Il n’y a pas de frères ici, quand il s’agit de l’eau. C’est chacun pour soi. » Avoue Dupleix. Et la loi du plus fort s’impose.
Ressources alternatives.
Conscients des dangers, les populations elles-mêmes avaient déjà commencé à prendre des mesures palliatives. « Ici à Bamenghui, nous avons depuis trois ans, interdit la plantation des nouveaux eucalyptus. De même que les feux de brousses sont interdits. Cette pratique a reculé d’au moins 80% » Témoigne le Dr Meloupou Jean Pierre, président du comité de développement des monts Nki et Ngwoum. Les villageois, plus en hauteur, ont fait recours aux connaissances ancestrales pour replanter des variétés hydromorphes. « Nous attendons du gouvernement qu’il nous aident en introduisant d’autres variétés pouvant aider à entretenir nos sols, en préservant l’eau et en constituant le couvert végétal. » Plaide SM Fozinkang II, le jeune chef de M’muock Aghong. En somme donc, les populations menacées d’expulsion, sont d’accord avec le pouvoir sur la nécessité d’agir, mais elles plaident pour l’instauration d’une réserve écologique simple. Elles souhaitent qu’on leur apporte des solutions alternatives à leurs sources actuelles de revenus. Un plaidoyer que KFA a eu le mérite de reprendre à son compte en se faisant la voix de ces sans voix. Ceci avec le concours du Programme d’appui à la structuration de la société civile camerounaise (Pasoc), de l’Union européenne.
Michel Mombio, dans les Monts Bamboutos
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